LA SUCCION PHYSIOLOGIQUE CHEZ LE NOUVEAU-NE
Plus une fonction apparaît précocement dans l’évolution humaine, plus elle est importante et plus sa maturation sera rapide.
A la 7ème semaine de vie intra-utérine, les premiers récepteurs tactiles péri-oraux se mettent en place. Dès le second mois, le fœtus est capable de défléchir sa tête et de porter ses mains à ses lèvres ; le contact labial déclenche le réflexe de succion , premier mouvement de l’embryon. A la 12ème siu, la déglutition apparaît. A la 37 ème siu, la succion-déglutition est coordonnée à la respiration.
A la naissance, la mandibule présente un caractère infantile en rétroposition physiologique, ce qui facilite le passage du nouveau-né par voie basse . Les deux branches montantes de la mandibule sont très peu développées et les cavités glénoïdes qui contiennent les deux articulations temporo-mandibulaires sont pratiquement inexistantes. Lors de la première tétée, le bébé passe de la succion non nutritive du liquide amniotique à une succion nutritive avec ingestion de lait. La succion non nutritive qui persiste a un effet analgésique, elle diminue le stress. Elle peut se produire spontanément ou par réflexe comme lors de la succion d’une tétine ou d’un doigt.
A la naissance, le bébé est capable de ramper jusqu’au sein guidé par l’odeur du mamelon. Le contact de la peau du mamelon avec les lèvres entraîne la rotation de la bouche vers celui-ci : c’est le réflexe de fouissement. La succion-déglutition chez le nouveau-né et le jeune nourrisson est déclenchée par des stimulations sensorielles oro-faciales, tactiles (abondance de corpuscules tactiles sur les lèvres), gustatives, olfactives et par les stimuli neuro-hormonaux de la faim. La participation du cortex cérébral est très faible à ce stade d’oralité primaire.
Jusqu’à 5-6mois, la succion du nouveau-né est en grande partie réflexe, elle n’est pas sous contrôle cérébral. Elle correspond à des contractions rythmiques pour aspirer le lait. Tout d’abord, les lèvres du nouveau-né viennent se poser sur l’aréole (le pourtour du mamelon). Il tient alors entre ces lèvres et ses crêtes gingivales le cône de succion, composé du mamelon et de l’aréole. La cavité buccale est hermétiquement close autour du sein : la contraction puissante des muscles orbiculaires des lèvres et de la houppe du menton provoque l’étanchéité. La dépression buccale ainsi créée maintient le cône de succion dans la bouche. Le bébé est obligé de respirer par le nez. Plus la durée de l’allaitement sera longue, meilleure sera la programmation cérébrale de la ventilation. La langue est placée sous le cône de succion. L’accolement du voile du palais sur la base de la langue permet la fermeture de l’isthme bucco-pharyngien en arrière de la cavité buccale.
Lors des mouvements de succion, la langue et la mandibule ont des mouvements synchrones.
La langue alterne un mouvement de propulsion grâce au muscle génioglosse et de rétropulsion grâce au muscle hyoglosse. Lors du mouvement de propulsion, la langue dépasse la gencive inférieure, s’élève et écrase tout le cône de succion contre la voûte palatine. Elle exerce ensuite un mouvement de rétropulsion et doit reculer correctement en comprimant l’aréole pour permettre son expansion sur toute sa longueur afin d’amener le mamelon à la jonction palais dur/palais mou.
La tétée au biberon est différente.
En 1925, le stomatologue Pierre Robin fut l’un des premiers à associer l’allaitement maternel au bon développement de la mandibule. La succion au sein oblige le nouveau-né à propulser sa mandibule. C’est une véritable gymnastique qui nécessite une coordination musculaire ce dont le nouveau-né est tout à fait capable à la naissance à condition que celle-ci se soit déroulée dans les conditions les plus physiologiques possibles (peau à peau, diminution du monitoring et du plateau technique, liberté de mouvement de la mère).
Dr Nicole MILLEREUX, Odontologue Pédiatrique
Article publié dans « Santé Intégrative », mai 2012.